Le do-it-yourself ou DIY - dans sa forme abrégée plus courante – désigne le fait de rénover, de réaménager ou de réparer par vous-même, sans nécessiter l’aide d’entrepreneurs indépendants, de menuisiers, d’électriciens, de plombiers ou encore d’autres corps de métiers.
Les raisons principales pour lesquelles opter pour le DIY sont soit parce que vous avez (ou souhaiteriez développer) un bon niveau de compétence et d’expertise qui vous permet (ou permettrait) de concevoir, entretenir, réparer, modifier ou restaurer par vous-même ou soit parce que vous ne voulez pas dépenser votre argent afin d’engager un expert pour le faire à votre place.
L’expression do-it-yourself est entrée dans l’usage courant dans les années 1950 avec l’émergence d’une nouvelle culture d’après-guerre qui encourage alors les citoyens à se lancer dans la rénovation et le bricolage comme des loisirs auxquels ils peuvent désormais consacrer leur temps libre bien plus abondant. Se détendre en entreprenant soi-même ses travaux de réparation leur offre, qui plus est, l’avantage supplémentaire d’économiser de l’argent qui aurait normalement été dépensé pour rémunérer un professionnel du métier.
Dans le sud de l’Italie, à Torre Satriano, se trouvent les ruines d’un site datant du 6ème siècle avant JC et qui faisait vraisemblablement office à l’époque d’espace pédagogique à destination des friands de menuiserie, leur procurant des instructions détaillées sur la manière dont procéder. Il s’agit de la première manifestation connue au monde d’une activité DIY, bien avant l’apparition de l’expression et de son abréviation plus de 2500 ans plus tard !
Dans la première moitié du 20ème siècle, une vague de publications déferle partout en Grande-Bretagne et aux États-Unis dans le but de promouvoir le DIY, dont notamment les magazines Popular Mechanics et Electronics World (tous deux fondés dans les deux premières décennies du 20ème siècle et encore publiés aujourd’hui), en France Marie Claire Idées et Créative, visant à informer les lecteurs des dernières nouveautés en matière de techniques, d’outils et de matériaux.
Les années 1950 marquent aussi le boom des grands magasins, alors que, dans un monde libre, les sociétés occidentales d’après-guerre retrouvent une relative prospérité et le goût du loisir. Les artistes et les artisans, en revanche, sont les premiers à craindre (bien souvent avec raison) l’impact négatif exercé sur la qualité par les méthodes de production industrielle désormais mises en place pour servir une clientèle devenue extrêmement vaste. C’est ainsi que le DIY a initialement vu le jour comme une culture réactionnaire et s’est ensuite développé tout au long des années 1960 et 1970, avec d’ores et déjà des émissions de télé et des livres consacrés au mouvement.
Le néo-ruralisme revendiqué par le mouvement hippie dans les années 1960 a servi de véritable catalyseur afin d’établir les principes éthiques du DIY. En 1967, le philosophe britannique Alan Watts, figure emblématique du mouvement, parvient, dans un discours qu’il donne en Californie, à mettre des mots sur un sentiment croissant pour les citoyens de la nécessité de tenter de reprendre en main la responsabilité de l’entretien de leur maison :
« Notre système éducatif… ne nous apporte aucune compétence matérielle. Autrement dit, nous n’apprenons pas à cuisiner, à confectionner des vêtements, à construire des maisons… Le système nous forme à devenir vendeur d’assurances ou bureaucrate, quelqu’un de purement cérébral. »
Cette reprise de responsabilité a conduit beaucoup de jeunes adultes américains dans les années 1970 non seulement à avoir recours au DIY afin de réintégrer des pratiques plus respectueuses de l’environnement dans leur quotidien, mais aussi à reconstruire et à rénover des habitations anciennes, bon marché ou délabrées pour s’offrir une qualité de vie qu’ils n’auraient pas pu se permettre autrement.
La même décennie voit une subculture du DIY se développer au sein d’une audience de plus en plus vaste avec des livres dédiés, dont la maison d’édition Sunset Books, établie en Californie, devient la plaque tournante. Tout au long des années 1970, et à vrai dire durant une bonne partie du 20ème siècle jusqu’à aujourd’hui, des expressions liées au DIY comme le bricolage (qui renvoie principalement à la construction, à l’entretien et à la réparation par soi-même à partir d’objets trouvés ou directement sous la main) gagnent de plus en plus en popularité auprès du public.
Alors que la culture du DIY se propage partout dans le monde, des grands magasins de détail comme B&Q, Home Depot et Leroy Merlin saisissent l’opportunité de servir un nombre de consommateurs en constante augmentation et à l’affût de solutions à réaliser soi-même, mais aussi celle d’offrir des remises commerciales aux fournisseurs professionnels afin de rendre leur offre et leur positionnement plus compétitifs aux yeux des personnes de métier.
Ces magasins proposent des gammes étendues de produits, y compris Black & Decker, Bosch et DeWalt, faisant du DIY un choix plus aisé et plus séduisant pour un public d’amateurs. Des outils (mécaniques ou électriques) aux tables de travail en passant par les nettoyeurs haute pression, la peinture ou encore les pavés de décoration, ces larges points de vente permettent à Monsieur et à Madame Tout-le-Monde d’acheter l’essentiel du matériel DIY, commercialisé d’une manière qui reflète toujours les pratiques adoptées par de grands magasins.
Cette augmentation de la disponibilité du matériel DIY nourrit une véritable fascination qui se crée autour de l’outillage et de la rénovation et avec elle un machisme caractérisé, comme illustré par le personnage de Tim Taylor, incarné par l’acteur Tim Allen dans Home Improvement (en français : Papa bricole) - l’une des émissions de télé familiales les plus populaires des années 1990. Mais la sitcom ne sera que le début d’une longue collaboration sur le petit écran.
Dans Home Improvement, Tim Taylor se fait surnommer "The Tool Man" (en français : « l’homme outil ») et anime sa propre émission de bricolage : Tool Time. Mais revenons-en au monde réel, avec le développement de la télé-réalité, il s’agit précisément du type d’émission qui a permis de mieux en mieux capturer l’imagination des téléspectateurs. Aujourd’hui, aux États-Unis, des chaînes entières de télévision sont d’ailleurs consacrées au bricolage.
Fondée par Discovery, Inc. en 1992 (au moment même où Home Improvement devient l’une des sitcoms familiales les plus populaires des États-Unis), HGTV (alias Home & Garden Television) est une chaîne de télévision payante spécialisée dans la rediffusion d’émissions de télé-réalité les plus populaires au monde en matière de DIY, comme par exemple Rehab Addict avec Nicole Curtis (qui a fortement contribué à éliminer la composante macho dans la pratique du DIY), pour le grand bonheur d’une audience mondiale de plus de 95,5 millions de téléspectateurs.
En 1999, HGTV lance un spin-off appelé DIY Network et spécialisé dans une programmation à but pédagogique afin de donner aux téléspectateurs des trucs et astuces utiles en matière de DIY, brisant quelque peu avec la tradition des émissions de télé proches du documentaire telles que Building off the Grid, Bath Crashers et Tiny House, Big Living.
Ces dernières années, le DIY est devenu à la fois synonyme de respect de l’environnement et de la législation fiscale et a initié une révolution culturelle au bénéfice de styles de vie plus simples, incarnée notamment par « le mouvement des Tiny Houses » ou « le mouvement des micromaisons », qui préconise de vivre plus simplement dans des habitations généralement construites par leurs propriétaires eux-mêmes et assez grandes que pour leur permettre de vivre relativement confortablement tout en occupant le moins d’espace possible.
À vrai dire, toutes les maisons indépendantes de moins de 37 mètres carrés peuvent être considérées comme des micromaisons. Toutefois, le mouvement a été lancé par un petit nombre de partisans très influents de l’architecture verte comme Lloyd Kahn, rédacteur du Whole Earth Catalog et auteur du livre, Tiny Homes: Simple Shelter (2012), qui démontre de manière complètement innovante, au fil des pages, comment nous pouvons nous offrir un style de vie plus gratifiant, plus économique et plus durable en construisant nous-mêmes notre maison.
Suite à la crise de 2008, le mouvement des micromaisons a commencé à connaître un grand succès, en particulier aux États-Unis - d’où sa dénomination provient - séduisant par la possibilité qu’il offre alors d’obtenir un logement au prix abordable et respectueux de l’environnement à tout qui détenait quelques notions de base en matière de DIY.
Le DIY et les styles de vie qu’il préconise ont captivé l’imagination des fashionistas, bien au-delà de l’aménagement intérieur. Au 21ème siècle, il n’est plus rare de voir des voitures « tunées », des vêtements « customisés » ou des meubles en kit « détournés » afin de créer de nouvelles versions, uniques et pleines de vie, des marques préférées des modeuses et des créateurs de tendance.
À cet égard, le DIY ne constitue plus une simple solution de nécessité amusante et bon marché mais permet aussi à chacun de s’affirmer, de manière quelque peu complexe et paradoxale, dans sa singularité. D’un certain point de vue, il est toujours question d’une culture uniformisante de la consommation mais, de l’autre, les limites de la production de masse sont désormais bel et bien repoussées.
Aujourd’hui, plus que jamais, le concept du DIY s’est élargi afin d’intégrer des aspects de la vie quotidienne de plus en plus nombreux et non plus uniquement le type de maison dans lequel nous vivons. Il s’étend à présent à une culture bien plus large du “self-made”. Nous pouvons inventer, créer, bricoler et customiser sans aucune– ou avec très peu de – connaissance ou de formation dans le domaine.
Le DIY n’est plus uniquement réservé à la maison et aux activités de réaménagement, de rénovation ou de réparation qui peuvent y prendre place, mais s’applique aussi à la publication de livres et à l’enregistrement de cassettes ou de compact discs, en passant par la confection de poteries, de bijoux et d’appareils électroniques (alias ‘circuit bending’) sans oublier le radio-amateurisme.
D’un point de vue politique, le DIY est une culture profondément enracinée dans une autosuffisance dogmatique, reposant sur un recours de moins en moins fréquent aux experts rémunérés et aux produits commercialisés en masse, et avec pour but ultime de vivre une vie plus riche et plus gratifiante au sein d’une société perçue comme affaiblie par l’augmentation de coûts et la dégradation de l’environnement causées par une culture de la consommation prédominante.
Plutôt que de lancer leurs produits en mobilisant des usines, en adoptant des stratégies de publicité et de distribution de masse, les producteurs qui appliquent les principes du DIY entrent en contact avec leur public en produisant, commercialisant et distribuant leurs produits eux-mêmes, leur permettant de conserver un contrôle total sur les méthodes utilisées, l’impact écologique, les coûts et le retour sur investissement.
Cette nouvelle perspective offerte par le DIY a ainsi permis à une véritable subculture de se développer et avec elle des livres, des fanzines, des vidéos et des tutoriels à découvrir pour apprendre à vivre de manière plus autosuffisante.
Le DIY forme ainsi désormais une grande et belle mosaïque qui rassemble un large éventail d’individus issus de milieux très différents et s’exprimant chacun à leur façon, selon leurs goûts ou leurs conditions socio-économiques, des individus qui, équipés d’une scie, d’un tournevis ou d’une perceuse sans fil, sont déjà en mesure de laisser parler leur talent.
Crédit photo : Designed by rawpixel.com / Freepik